André Sornay, ébéniste designer d'avant-garde
André Sornay était un ébéniste lyonnais de renom, un designer de style Art Déco dont la vision mariait à la perfection l'esprit d'avant-garde et le fonctionnel. Tout au long de sa carrière, il n'aura eu de cesse de s'éloigner des traditions de l'ébénisterie, brisant les normes à travers son approche anti-conformiste du métier de meublier ; il aura su développer des idées novatrices perfectionnées en systèmes rigoureux sans jamais s'y laisser enfermer.
Ensemble console et chaise en hêtre teinté - Photo @Galerie44
1920 – 1930 : Avant-garde et Art déco
Encore novice dans son métier d'ébéniste lorsqu'il reprend l'affaire familiale à la suite du décès de son père, en 1919, le jeune André Sornay, âgé de tout juste 17 ans, prend une décision radicale. L'entreprise familiale, alors dédiée au négoce de tissus et de meubles, produira désormais les meubles qu'il a lui-même dessinés ; un mobilier aux lignes modernes et épurées.
André Sornay, 29 ans
Trois ans plus tard, il se lance en présentant son travail au salon de l'ameublement de la foire de Lyon. Les retours sur son ensemble pour la salle à manger sont très positifs ; son architecture est qualifiée de soignée et les gens sont séduits par son esthétisme autant que par son travail de finition.
En 1923, l'entreprise change alors de nom pour devenir André Sornay et CIE ; une façon de marquer sa rupture avec l'affaire familiale restée très traditionnelle, et de s'orienter vers une nouvelle identité plus moderne. André Sornay utilise désormais des matières telles que le contreplaqué, et il développe des lignes résolument modernistes avec des meubles combinables qui lui ouvrent les portes d'une nouvelle clientèle. Chacune de ses pièces demeure cependant unique, parfois déclinée « en deux ou trois exemplaires en fonction d'une demande particulière », mais guère plus.
Les prochaines années seront florissantes pour son entreprise : il s'adjoindra les compétences des meilleurs artistes lyonnais et établira son propre atelier de production dans une usine située à Villeurbanne où il emploiera une dizaine de menuisiers et d'ébénistes.
Mais à la fin des années 20, la conjoncture économique, qui touche également les arts décoratifs, marquera la fin de cette période Art Déco. André Sornay mobilise alors tout son génie pour élaborer un nouveau système d'assemblage qui révolutionnera totalement sa méthode de production et deviendra un de ces signes de fabrique.
1930 – 1940 : Le Cloutage
Le 10 août 1932, il pose son premier brevet d'invention du « système de panneau de meubles et son mode d'assemblage » ; un système ingénieux permettant de répondre à la crise qui touche l'ensemble du pays. Les coûts de production, grâce à la rationalisation du procédé, sont diminués, lui permettant de vendre son mobilier à des tarifs bien plus abordables.
Sa nouvelle technique d'assemblage, « le cloutage », permet d'assembler sur un cadre massif, à l'aide de pointes de métal en cuivre, laiton, fer, ou même en aluminium, des panneaux plaqués d'essences fines. L'alignement des clous nécessaire au maintien des plaques devient un signe distinctif du mobilier d'André Sornay, et même un véritable élément décoratif.
S'ensuit alors une large production de « mobiliers cloutés » diffusés en petite série et accessibles au plus grand nombre. André Sornay choisit ainsi une voie intermédiaire entre le modèle unique d'un Jacques-Emile Ruhlmann, et la grande distribution d'un Maurice Dufrène.
Au milieu des années 1930, André Sornay délaisse peu à peu l'ébène de Macassar pour introduire le pin d'Oregon ; il sera d'ailleurs l'un des rares designers du XXème siècle – avec l'architecte Eileen Gray et le relieur / ensemblier Pierre Legrain - à user de ce bois habituellement étranger au monde de l'ébénisterie classique et dont l'emploi se limite essentiellement à la production moderniste.
En 1937, il reçoit l'honneur de représenter la ville de Lyon lors de l'exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne qui se tient à Paris, et se voit récompensé de la médaille de bronze pour son bureau personnel « de l'ensemblier ».
Table basse en chêne clouté, 1930 - Photo @Galerie44
1940 – 1960 : l'après guerre
Mais en 1942, c'est le drame.
Un incendie ravage une partie des ateliers et des bureaux de Villeurbanne dans une période déjà difficile pour André Sornay qui subit le contrecoup de la pénurie de matières premières. Les stocks de contreplaqué s'épuisent, le cuivre et le laiton sont difficiles à obtenir... c'est une période noire pour le designer.
Il se relève en inventant, quelques années plus tard, un nouveau procédé d'assemblage encore plus révolutionnaire que le premier. De 1953 à 1955, il travaille sans relâche à l'élaboration de son système de montage rapide des meubles dits « en kit ».
La « tigette Sornay » est née.
Système tigette, pièces démontées - Photo @Galerie44
On monte désormais ses meubles en assemblant un cadre arrière munit d'inserts filetés destinés à recevoir les fameuses tigettes auxquels on fixe un cadre avant. Le procédé de cloutage est alors bien loin, et André Sornay marque ainsi une véritable rupture avec les traditions de l'ébénisterie.
En 1960, il tire sa révérence en laissant l'entreprise aux mains de ses enfants qui prennent le parti d'éditer des meubles pour les collectivités.
Aujourd'hui
Suite à l'aquisition d'une important collection privée du designer, Galerie44 s'est spécialisée dans le mobilier à tigette, une jolie collection est présentée dans notre catégorie spéciale Mobilier André Sornay.
Mobilier André Sornay, 1960 - Photo @Galerie44
Tout le travail d'André Sornay ne serait pas mis autant en valeur sans le travail et l'expertise d'Alain Marcelpoil, créateur de la Galerie Alain Marcelpoil à Paris spécialisée dans le mobilier André Sornay des années 30 Art Déco.