Le rotin, un matériau noble façonné par de nombreux designers
Exotique, inspirant, authentique... le rotin a traversé l’histoire du mobilier, réinventé par des designers de talent qui ont réussi à séduire le mouvement hippie, en quête d’un retour au naturel, après avoir été l’apanage des plus belles maisons secondaires de la côte d’Emeraude.
Origines d’un matériau de qualité
Le rotin véritable, parfois confondu avec le bambou ou l’osier dans le langage courant, est issu d’une plante de la famille botanique des palmiers à lianes appelé le « Rotang ». Présent essentiellement dans les forêts tropicales d’Asie du Sud Est, le rotin est également cultivé en Amérique du Sud ainsi qu’en Afrique.
Le rotang, qui a donné son nom au rotin, se différencie par ses tiges pleines, jaunes et pâles, aux propriétés idéales pour la création de mobilier.
Souple, contrairement au bambou, il peut aisément être courbé, offrant des possibilités infinies aux esprits créatifs. Durables et solide, il résiste aussi bien au soleil qu’à la pluie, faisant de ce matériaux un allié de choix pour le mobilier d’intérieur comme d’extérieur.
Le rotin à travers les siècles
C’est dans les tribus asiatiques que l’on retrouve les premières traces de travail du rotin, avant que la colonisation ne l’exporte dans les pays Occidentaux où il a rapidement trouvé sa place dans nos intérieurs.
Avec son goût pour l’Asie, la noblesse du Second Empire s’est emparée de la tendance en invitant le rotin dans ses salons et jardins d’hiver ; une mode qui a traversé les siècles pour venir meubler les terrasses des cafés parisiens avec leurs célèbres chaises en rotin des années 1920.
La pénurie en matières premières de la seconde guerre mondiale a donné un second souffle à ce matériau abordable qui va permettre à l’industrie d’après-guerre de refleurir grâce au savoir-faire conservé dans les usines françaises. Alors plébiscité par les designers, il va petit à petit envahir les intérieurs, et tout particulièrement celui des maisons secondaires. De Dinard à Saint-Tropez, la mode est au rotin, depuis la salle à manger jusqu’à la chambre à coucher ; on recherche alors l’exotisme et l’évasion dans sa maison de vacances que l’on meuble différemment de son logement citadin.
Ces grands noms qui ont jalonné son histoire
Durant tout le XXème siècle, et plus particulièrement après la seconde guerre mondiale, de grands designers ont donné ses lettres de noblesse au rotin en créant des pièces emblématiques de l’histoire du design.
Louis Sognot, spécialisé dans le mobilier métallique à ses premières heures, se tourne vers le rotin après la crise des années 30 et la pénurie de métal. Il s’essaiera au mariage de ces deux matériaux sur un modèle de chaise métallique, en 1932, avant de dessiner un ensemble de lit bateau en moelle de rotin en 1946, pour la fille de Paule Marrot ; une ligne souple vers laquelle il reviendra régulièrement. Son premier essai de chaise donnera également naissance à un modèle d’assise pour la Commission du Meuble de France, adapté sur une ossature en bois pour pallier le manque de métal.
Archives, mobilier par Louis Sognot - Photos @Art-utile
Joseph-André Motte mettra à profit, avec beaucoup de talent, les recherches de l’époque, s’appropriant - ainsi que de nombreux autres créateurs - la moelle de rotin tissée ; une technique proche de l’artisanat qui fait entrer les courbes dans le mobilier en rotin, permettant aux designers de s’affranchir des lignes droites. Joseph-André Motte donnera ainsi vie à son mythique fauteuil « Tripode », avec sa coque tout en rondeurs dessinée en 1949 et édité, en 1950, par Rougier, pour lequel il obtient la médaille d’argent à la triennale de Milan. Il dessinera bien d’autres modèles en rotin, qui marqueront les esprits par leur technique, avant d’imaginer le fauteuil « Girolle » en 1963, véritable révolution de son temps ; une pièce en rotins tressés et pliés, modulable en assises, tables et étagères grâce à un ingénieux système de panneaux.
Fauteuils Tripode par Joseph André Motte - Photos @Demisch Danant
Le décorateur, tapissier, et même fabricant de mobilier et luminaires Mathieu Matégot fait du rotin sa seconde matière de prédilection, après la tôle perforée qui a fait sa renommée. Le rotin, financièrement abordable et ne souffrant d’aucune carence, connait un véritable engouement dans les années 50 ; il en profitera pour travailler ce matériau au sein d’objets du quotidien, en association avec le métal perforé. Il créera ainsi des plateaux, des porte-bouteilles, et déclinera même sa chaise Nagasaki en quelques rares exemplaires.
Mobilier en rotin par Mathieu Matégot - Photos @Leclerc & Les Décorateurs des Années 50 Patrick Favardin
Janine Abraham, sortie major de sa promotion à l’école Camondo en 1952, et son mari Dirk Jan Rol, architecte-designer néerlandais, recevront en 1958 la médaille d’or à l’Exposition Universelle de Bruxelles pour leur fauteuil « Soleil » en rotin. Séduits par ce matériau, ils dessineront ensuite le « Citron » pour le fabricant Rougier ; un fauteuil ainsi qu’un sofa, reposant sur des pieds en acier ou en inox, aux lignes organiques tout à fait novatrices à la fin des années 50.
Mobilier en rotin par Janine Abraham - Photos @Les Décorateurs des Années 50 Patrick Favardin
On mentionnera également le nom de deux femmes de talent : Colette Gueden, grande designer pour l’atelier d’art des grands magasins parisiens Primavera à qui l’on doit leurs modèles de chaises, fauteuils et tables en rotin, ainsi qu’Yvonne Barruet qui a marqué l’histoire du mobilier en rotin avec ses créations mises à l’honneur par le magazine « Décor d’aujourd’hui » en 1955.